Dernière mise à jour le : 22/10/2024
Le Département santé travail (DST) de l’Institut de veille sanitaire (InVS) a mis en place en 2009 un programme de production d’indicateurs destinés, à partir de différentes sources, à rendre compte à l’échelle nationale de la situation concernant des problèmes de santé en relation avec l’environnement professionnel, des conditions de travail et des expositions, ainsi que de leur évolution au cours du temps. Natacha Fouquet fait partie de l’équipe qui vient de publier le troisième opus des indicateurs en santé travail concernant cette fois les troubles musculo-squelettiques du membre supérieur (TMSms) en France.
Les TMS recouvrent un large ensemble d’affections périarticulaires qui touchent les tissus mous (muscles, tendons, nerfs, vaisseaux, cartilages) et se traduisent principalement par des douleurs et une gêne fonctionnelle souvent quotidiennes. Leur gravité est liée à leurs conséquences médicales, du fait d’une chronicisation fréquente, et professionnelles, car source d’inaptitude au poste de travail…
Agir Mag : Quel est le « poids » TMSms en santé travail ?
Natacha Fouquet : Les TMS représentent une des questions les plus préoccupantes en santé au travail car elles occupent la première place des maladies professionnelles dans plusieurs pays d’Europe. Par ailleurs, les TMS du membre supérieur représentent la très grande majorité des TMS qui sont reconnus comme maladies professionnelles au titre des tableaux de réparation des MP. Vu leurs poids dans la population salariée, ils sont à l’origine de lourds coûts, tant au niveau individuel que sociétal. Ils ont également un fort impact en termes de qualité de vie. Ainsi, les salariés présentant un TMSms sont plusieurs années après deux fois plus souvent sorties de l’activité professionnelle et trois fois plus souvent en invalidité comparés aux salariés asymptomatiques.
Agir Mag : Quels sont les principaux facteurs de survenue des TMSms ?
N. F. : Il s’agit de pathologies multifactorielles qui mêlent des facteurs individuels et de fortes composantes professionnelles comme les facteurs biomécaniques (efforts statiques, mouvements en force, postures inadéquates, répétitivité élevée des gestes, vibrations, etc.) auxquels s’ajoutent les contraintes psychosociales et organisationnelles (forte demande psychologique, faible latitude décisionnelle, contrainte de rythmes, absence de pause, etc.).
Agir Mag : Que révèlent les chiffres que vous avez recueillis et croisés ?
N. F. : Les TMSms sont fréquents parmi la population au travail. Ainsi, en France, les taux de prévalence des TMSms imputables au travail d’après les médecins du travail, après un diagnostic standardisé, sont de 1,8 % chez les hommes et de 1,2 % chez les femmes. De plus, ce phénomène augmente avec l’âge. Les TMSms les plus souvent diagnostiqués sont ceux de l’épaule, devant ceux du poignet et du coude.
Concernant l’exposition aux facteurs de risque, une étude menée dans les Pays de la Loire montre qu’un tiers des salariés étaient exposés à la fois à une posture pénible et à un travail en force. 15 % étaient exposés à la fois à ces 2 types de facteurs de risque et à une répétitivité élevée des gestes. La même étude montre qu’un quart des salariés est également exposé à des situations de tension au travail. Les travailleurs sont ainsi souvent exposés à plusieurs types de facteurs de risque, qui peuvent être interdépendants les uns des autres. La prévalence d’exposition aux facteurs de risque, comme la prévalence des TMSms, est particulièrement élevée.
Agir Mag : Est-ce que ces chiffres sont le reflet du réel impact sanitaire des TMSms au travail ?
N. F. : Les chiffres issus des données de réparation ne représentent qu’une petite partie de la réalité, même s’ils permettent de suivre une évolution à la hausse depuis une vingtaine d’années. Deux systèmes de surveillance mis en place au DST de l’InVS ont permis, par des approches différentes, d’estimer le taux de sous-déclaration en maladie professionnelle et de confirmer l’ampleur de la sous-déclaration des TMSms.
À partir du réseau de surveillance des TMS en Pays de la Loire, le taux de sous-déclaration du syndrome du canal carpien est estimé à 42 % chez les hommes et à 44 % chez les femmes. À partir du programme de surveillance des MCP, il est estimé à 64 % chez les hommes et à 56 % chez les femmes.
Agir Mag : Pourquoi les actions de prévention des TMS tardent à montrer leur efficacité ?
N. F. : Des programmes de prévention efficaces du risque de TMS nécessitent la mobilisation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise, non seulement le CHSCT et les SSTI, mais aussi le chef d’entreprise qui en a la responsabilité et l’encadrement, ainsi que les travailleurs eux-mêmes.
Ainsi, il faut mettre en place des systèmes de prévention intégrée qui combinent la prévention primaire afin de limiter en priorité l’apparition des TMS par une réduction des expositions aux risques à la source ; la prévention secondaire qui permet, par un dépistage précoce et une prise en charge adaptée, que les TMS ne s’aggravent pas ou ne récidivent pas ; et enfin la prévention tertiaire afin de faciliter la poursuite de l’activité professionnelle et le maintien dans l’emploi de ceux qui présentent des douleurs.
« Ce sont l’agriculture et l’industrie pour les deux sexes et la construction chez les hommes. Sinon, quel que soit le secteur, les ouvriers, qualifiés ou non qualifiés, sont les catégories professionnelles les plus touchées par les TMSms. Les femmes sont davantage concernées par une répétitivité élevée des gestes et les hommes par le travail en force, souvent associé à une posture pénible » souligne Natacha Fouquet.
Répartition des TMS de l’épaule, du coude et du canal carpien signalés en maladies à caractère professionnel (MCP) selon le sexe en 2011.
Epaule :
48 % hommes - 20 % femmes
Coude :
34% hommes - 23% femmes
Canal carpien :
18% hommes - 27% femmes
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