Dernière mise à jour le : 22/10/2024
L'Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Publics, le GNMST-BTP* et le groupe de recherche sciences humaines et sociales de l’Ecole Centrale Paris se sont associés pour étudier les conduites collectives et individuelles face aux risques dans les métiers de gros œuvre du BTP. Une approche sociologique et novatrice !
Agir Mag : Pourquoi une approche sociologique pour analyser les rapports aux risques professionnels ?
Patrick Richard : Lorsqu’on aborde les questions de sécurité et plus généralement de prévention des risques professionnels on agit de façon traditionnelle, soit sur un mode « traumatique », soit sur le mode dit de « l’évangélisation ». Dans les deux cas, on emprunte une voie classique, technique et organisationnelle. Mais il nous a semblé intéressant et peut-être efficace, d’explorer une autre voie. L’approche sociologique a apporté des résultats dans le milieu industriel. Il s’agit de comprendre les comportements réels des équipes et des individus qui les composent dans leurs contextes professionnels spécifiques, y compris ceux qui sont habituellement qualifiés d’irrationnels.
Agir Mag : Vous avez ciblé les métiers de gros œuvre des PME, en particulier celui de maçon…
P.R. : Oui, car le gros-œuvre est d’une façon générale le secteur le plus accidentogène. Il représente environ 50 % des accidents du travail. Les PME, de par l’importance des effectifs en jeu mais aussi parce qu’elles constituent paradoxalement un terrain encore en friche contribuent de façon importante au résultat que je viens d’évoquer. Nous nous sommes également dit qu’il fallait certes faire avancer les connaissances, c’est à dire produire sur le plan scientifique, mais qu’il fallait aussi qu’il y ait une retombée pour notre organisme. L’OPPBTP ayant une forte activité de conseil aux entreprises, l’objectif est de mener une recherche-action destinée à la fois à produire des connaissances et à apporter des réponses pragmatiques aux professionnels du BTP, via des outils pratiques qui seront utilisés nos conseillers en prévention.
Agir Mag : Comment avez-vous procédé ?
P.R. : Nous avons voulu obtenir en quelque sorte une image holographique du sujet en travaillant certes directement avec les maçons mais en étudiant également nos conseillers en prévention et les médecins du travail qui nous apportent leurs propres regards. On a par exemple interrogé les médecins conseils de l’OPPBTP qui suivent plusieurs milliers de maçons chaque année. Leur apport est extrêmement intéressant mais la difficulté est grande : il s’agit de passer de la dimension individuelle de la visite médicale pour en tirer des enseignements au plan collectif. C’est faire en sorte que les médecins conseil prennent un peu de recul et tirent des enseignements sur des cohortes, et non plus sur des individus. A cette recherche qui se veut résolument participative, sont associés les dirigeants et les salariés de plusieurs PME du BTP volontaires. Ce volet, à lui seul très novateur, nous permet d’engager un dialogue très riche en pénétrant dans l’intimité de ce type d’organisation.
Agir Mag : Quels sont les premiers résultats ?
P. R. : Les chercheurs devaient s’appuyer sur l’expression libre des opérateurs pour mieux saisir la complexité des facteurs qui entrent en compte dans les situations de travail. Il a fallu libérer la parole des maçons sur ces questions de prévention et de prises de risque. Les résultats déjà obtenus vont au-delà de nos espérances et mettent bien en évidence ce qui est du comportement individuel, de la dynamique de groupe mais aussi les interactions des équipes au sein d’un même chantier. Cela a conforté certains points de vue, mais de façon un plus scientifique. Par exemple, lorsqu’il y a une mésentente au sein d’un groupe, il y a tout lieu de penser que la prise en compte collective du risque sera moins bonne. On le pressentait, mais là, les mécanismes très fins ont été mis à jour. Par contre, un poncif a été mis à mal. On a toujours pensé que la prise de risque faisait partie de la culture du BTP, en particulier des maçons. C’est une idée reçue. Les personnes que l’on a observées n’ont pas envie de s’exposer plus que d’autres populations…
(*) Groupement National Multidisciplinaire de Santé au Travail dans le BTP.
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