Les allergies professionnelles
N°62 - Janvier / Février 2016
Les allergies sont un véritable problème de santé publique… et de santé au travail qui reste sous-estimé !
En 2050, 50 % de la population mondiale sera affectée par au moins une maladie allergique selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L’OMS classe l’allergie au 4ème rang mondial des maladies après le cancer, les pathologies cardiovasculaires et le sida. Le nombre de personnes allergiques a doublé ces 20 dernières années. Si les allergies ont aussi une origine génétique, l’environnement extérieur ou intérieur, les paramètres épigénétiques ou encore la dimension psychosociologique ont un impact sur leur développement. Le milieu de travail et de nombreux secteurs d’activité sont aussi concernés.... En effet de multiples agents présents sur le lieu de travail peuvent agir comme allergènes, à des degrés fortement sensibilisants ou moins sensibilisants.
Interview
Docteur Beata Francuz
Médecin du travail – Allergologue
Institut Pasteur
« Sans identification, pas de prévention… »
Agir Mag : Qu’est-ce que l’allergie ?
Dr. Beata Francuz : L’allergie est une hypersensibilité de l’organisme à des substances présentes dans l’environnement qui sont généralement inoffensives. Cette hypersensibilité traduit une réponse non adaptée du système immunitaire à ces substances. Celles-ci appelées « allergènes » peuvent se trouver dans l’air (acariens, pollens, moisissures…), dans des aliments (arachide, œuf...), des médicaments (pénicilline..) ou dans l’environnement professionnel. Certaines personnes vont avoir une prédisposition génétique et déclencher une réaction allergique lors de l’exposition à tel ou tel allergène, on parle alors de « terrain atopique ». L’allergie va apparaître en deux temps : une première phase de sensibilisation où l'organisme produit des anticorps particuliers qui vont identifier l’allergène en cause et se fixer sur des cellules de défense. Cette première phase ne donne aucun signe clinique et a une durée variable, même de plusieurs années. Lors de la deuxième phase, un nouveau contact avec l’allergène active les cellules de défense qui libèrent des substances spécifiques déclenchant les symptômes. La réaction allergique peut être nasale (rhinite avec éternuement..), respiratoire (crise d’asthme, toux sèche), oculaire (conjonctivite…) ou cutanée (urticaire). C’est une allergie dite immédiate. Mais il existe aussi une allergie dite retardée, qui peut se produire même sans terrain génétique et dans laquelle il n’y pas de production d’anticorps particuliers. Les symptômes apparaissent au minimum 48 heures après le contact avec l'allergène et ciblent principalement la peau sur laquelle apparaît un eczéma. On parle alors « d'eczéma de contact ».
Agir Mag : Quels sont les principaux allergènes et allergies professionnelles ?
Dr. Beata Francuz : L’INRS a recensé environ 350 à 400 agents allergisants en milieu de travail. Les principaux allergènes reconnus sont la farine, la résine plastique, le latex, les poussières de bois, les ammoniums quaternaires, les métaux (nickel, chrome), les désinfectants, les colorants… Il en résulte un grand nombre de secteurs et métiers concernés parmi lesquels la boulangerie, la propreté, la coiffure, la santé, l’agroalimentaire, la chimie, le bâtiment et la métallurgie. L’eczéma de contact concerne 70 à 90% de déclarations de problèmes cutanés professionnels (dermatoses professionnelles). 10 à 25% des asthmes de l’adulte sont d’origine professionnelle.
Agir Mag : Comment diagnostiquer l’origine professionnelle d’une allergie ?
Dr. Beata Francuz : Il faut d’abord chercher les symptômes cliniques mais ils ont le même aspect que l’origine soit professionnelle ou pas. C’est pourquoi il faut établir ensuite le lien chronologique entre le contexte d’exposition professionnelle et la présence des symptômes. On va alors étudier la rythmicité professionnelle pour évaluer si les symptômes diminuent ou disparaissent lors des weekends et des congés. Après on procède à un questionnement orienté pour connaitre le poste de travail, ses risques, le niveau d’exposition et étudier les tâches, les produits et les procédés utilisés. Enfin on va réaliser des examens complémentaires : des tests cutanés à lecture immédiate pour une pathologie respiratoire (possibles selon le type d’allergène) ou à lecture retardée (batteries des allergènes en fonction du métier) pour l’eczéma de contact, des bilans sanguins ou encore des explorations respiratoires. Les tests de provocation avec un allergène suspecté peuvent être aussi réalisés, par exemple avec la farine de boulanger. Bien sûr, l’amélioration constatée après l’arrêt de l’exposition professionnelle viendra confirmer le diagnostic et l’origine professionnelle de l’allergie.
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