L’activité physique au travail : quels bénéfices ?
N°82 - Mai / Juin 2019
L’augmentation des troubles musculo-squelettiques en lien avec le travail voit fleurir une offre de services d’activité physique en entreprise, qu’il faut analyser avec prudence et recul…
Les troubles musculo-squelettiques (TMS) représentent 87% des maladies professionnelles en France, dont 46% entraînent des séquelles sous forme d’invalidités permanentes. Face à l’ampleur du phénomène, les entreprises peuvent être tentées par des programmes de prévention, proposés par des intervenants extérieurs. Une approche individuelle qui ne doit pas faire perdre de vue les avantages de la prévention collective et la priorité à l’organisation du travail.
3 questions à :
Agnès Aublet Cuvelier
Chef du département Homme au travail
INRS
« La priorité demeure l’amélioration collective des conditions de travail … »
Agir Mag : La récente étude que vous publiez sur l’activité physique en entreprise laisse entendre que le discernement s’impose avant d’avoir recours à des programmes extérieurs de ce type. Quels sont les risques ?
Agnès Aublet Cuvelier : Une forme de vigilance de principe s’impose, parce qu’il ne faut pas que les entreprises s’affranchissent d’une réflexion globale sur l’organisation du travail, l’adaptation des postes à la réalité du terrain et la qualité des conditions de travail. En clair, faire appel à un prestataire extérieur pour des programmes de prévention individuels des troubles musculo-squelettiques ne doit pas constituer un alibi pour ne pas agir sur le plan de la prévention collective.
Rien ne remplacera l’action interne pour prévenir les risques de TMS, en lien direct avec l’environnement et les situations de travail propres à l’entreprise. La prévention passe par un dépistage préalable des situations à risque, puis par une intervention ergonomique pour influer sur les conditions de travail et réduire le risque. L’autre danger est l’indifférenciation ; qu’il n’y ait pas de réelle adéquation entre les différents publics et les pratiques.
Les méthodes que nous avons pu observer sont parfois très uniformes, et ne prennent pas en compte cette hétérogénéité des salariés face au risque de TMS en fonction de l’emploi qu’ils occupent. Il serait en outre dangereux de penser que la prévention des TMS se résume à la pratique d’exercices physiques sur le lieu de travail. Lesquelles ne sont d’ailleurs pas sans risque si elles ne sont pas strictement encadrées par le service de santé au travail de l’entreprise.
Agir Mag : L’efficacité de ces programmes est-elle sujette à caution ?
A. A-C: Nous avons analysé la pertinence de ces techniques d’exercices physiques à partir d’une revue de la littérature, que nous avons mise en perspective avec la prévention des TMS. Il se fait que les évaluations dont nous disposons concernent majoritairement le secteur tertiaire, où les tâches physiques de bureau sont moins lourdes que dans les secteurs du bâtiment, de l’industrie, de la santé ou des services à la personne. Ces programmes peuvent être bénéfiques pour les personnels administratifs ayant un travail de bureau sédentaire, et présentant déjà des douleurs dans la zone du cou et des épaules.
Agir Mag : Vous ne condamnez donc pas ces programmes très individuels ?
A. A-C : Il faut bien entendu être vigilants sur le sérieux de ces organismes qui n’ont pas tous les mêmes niveaux de professionnalisme, tout comme les offres de conseil dans d’autres domaines. Nous souhaitons simplement mettre en garde les entreprises sur le fait que rien ne remplace l’approche collective de la prévention, en amont. En revanche, il semble avéré que ces programmes d’étirements et d’échauffements sur le lieu de travail peuvent créer une dynamique de groupe positive.
Les salariés ont une occasion de se connaître en-dehors de leur activité professionnelle quotidienne et ce peut être un facteur de cohésion. A condition bien sûr que cela soit sur une base de volontariat, et que personne ne soit exclu de la possibilité d’intégrer le dispositif. Une fois encore, le consentement libre et éclairé est de rigueur dans ce domaine. Enfin, nous conseillons aux entreprises tentées par la mise en place de tels dispositifs de travailler le sujet en amont avec les personnels représentatifs, pour qu’il y ait une réelle concertation sur les enjeux de l’action et ses modalités de mise en œuvre, en associant le médecin du travail à toutes les étapes.
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