Les relations interpersonnelles à l’heure du Covid…
N°91 - Novembre / Décembre 2020
L’application du protocole sanitaire a bouleversé les habitudes et les relations entre salariés…
L’épidémie de Covid-19 impacte fortement le fonctionnement des entreprises. Après les avoir mises à l’arrêt pendant le confinement, le protocole sanitaire leur impose désormais le port du masque dans certaines situations de travail, la distanciation physique, et peut contraindre certains salariés à adopter le télétravail. Comment ces mesures pèsent-elles sur les relations au travail ?
Laurent Karsenty, chercheur au conservatoire national des arts et métiers (Cnam) nous explique comment dirigeants et employés s’adaptent aux modalités de travail imposées par la crise sanitaire afin de préserver, au mieux, le collectif…
Interview
Laurent Karsenty*
Psychologue et Ergonome
Fondateur ErgoManagement
« Savoir s’accorder un peu de souplesse »
Agir Mag : Comment les contraintes sanitaires pèsent-elles sur les relations interpersonnelles dans l’entreprise ?
Laurent Karsenty : Le port du masque obligatoire, la distanciation physique et le télétravail modifient profondément les relations humaines. Le télétravail imposé, bien sûr, provoque chez certains une érosion du lien social. On a plus de mal à appeler un collègue chez lui qu’à aller le voir à son bureau pour discuter, par peur de déranger. Les échanges téléphoniques se réduisent progressivement, et on aboutit à un sentiment d’isolement.
Mais on constate aussi que le port du masque dans les entreprises réduit les échanges et la communication : les salariés trouvent inconfortable de parler avec le masque, il est plus difficile de se faire comprendre de son interlocuteur, et il devient impossible de décoder le langage non verbal, c’est-à-dire les mimiques faciales comme les sourires. On ne parle donc plus que quand c’est vraiment nécessaire. On évite autant que possible les réunions de travail, on ne discute plus dans les couloirs et à la machine à café, et on préfère communiquer par mail, même avec des collègues proches. La convivialité s’en retrouve donc impactée. Ce virus et les mesures qu’il entraîne nous séparent et nous isolent...
Notons toutefois que certains salariés apprécient le télétravail, ou plutôt ses avantages : pouvoir emmener les enfants à l’école, éviter les trajets domicile-entreprise... Pour ceux-là, l’expérience de la crise est positive. Mais beaucoup d’entreprises font aujourd’hui état d’un ras-le-bol croissant de leurs salariés, qui ont le sentiment que leurs conditions de travail sont dégradées par ces contraintes.
Agir Mag : Comment les salariés s’adaptent-ils à ces contraintes ?
L.K : En entreprise, le port du masque est un frein à la communication qu’on n’a pas encore appris à contourner. En télétravail, certains salariés ont mis en place des pause-café ou des afterworks virtuels pour recréer du lien. D’autres partagent leurs photos de vacances... Mais cela ne peut pas remplacer le contact humain réel. Les interactions directes sont essentielles dans la vie professionnelle. Ces solutions de substitution conviennent en période de crise, mais elles montrent leurs limites dans la durée...
La qualité de vie au travail est aujourd’hui impactée par le port du masque, la distanciation et le télétravail subi. Mais cette crise peut aussi être une opportunité pour faire évoluer l’organisation du travail. Les managers apprennent à faire davantage confiance, à responsabiliser les membres de leurs équipes et à développer leur autonomie. C’est peut-être ce qui restera de cette crise lorsqu’elle sera derrière nous, et tout le monde y aura alors gagné…
Agir Mag : Quels conseils donneriez-vous aux entreprises et aux salariés ?
L.K : Il faut se faire confiance et savoir s’accorder un peu de souplesse. Si les bureaux sont spacieux et que les postes de travail sont éloignés de deux mètres ou plus, autoriser ses employés à retirer le masque peut leur faire beaucoup de bien. Proposer aux télétravailleurs de revenir en entreprise un ou deux jours par semaine peut aussi aider ceux qui se sentent isolés chez eux. Enfin, il faut aller à l’encontre de nos penchants naturels qui nous poussent à échanger moins dès que la communication est plus difficile. Faire l’effort de s’arrêter pour discuter malgré le masque, sourire, prendre des nouvelles de ses collègues permet de maintenir un lien social précieux et de lutter contre la désagrégation des collectifs (lire encadré).
*Chercheur associé au CNAM et à la chaire Confiance et management de l’Université Paris-Dauphine
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