Dernière mise à jour le : 22/10/2024
Ce terme est employé pour qualifier les personnes de plus de 16 ans qui malgré une scolarisation ne parviennent pas à lire et à comprendre un texte portant sur des situations de la vie quotidienne ou qui ne parviennent pas à écrire pour transmettre une information simple. Que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle, cette situation constitue un réel handicap au quotidien et parfois même une source d’isolement. Mais le décret du 17 décembre 2008, qui précise que la formation et l’information en matière de sécurité au travail doit être accessible et comprise par tous, accentue l’émergence de nouveaux dispositifs pour aider et accompagner ces salariés en difficulté.
Agir Mag. : De quelle manière est-il possible d’identifier une personne en difficulté avec la langue ?
Karima Hamaoui : Ce n’est pas évident car ces personnes utilisent très souvent des moyens de contournements pour échapper à toute situation qui pourrait révéler leurs lacunes. Ceci dit, il existe des indicateurs au sein des entreprises qui peuvent s’avérer efficace pour deviner la présence de salariés en situation d’illettrisme. Par exemple on peut s’appuyer sur le taux d’accidents du travail. Si l’entreprise met en place des mesures et des consignes pour éviter les risques professionnels et que malgré tout la fréquence des accidents perdurent, on peut alors se demander si les messages sont bien compris et assimilés par les salariés. De même, une entreprise qui constate l’absentéisme répété de certains salariés à des programmes de formation… Très souvent les personnes en difficulté avec la langue auront tendance à émettre des réticences à toute forme de formation perçue comme trop « scolaire » et donc parfois synonyme de mauvais souvenirs. Pour finir, le refus d’évoluer professionnellement ou de changer de poste peut aussi mettre la puce à l’oreille si aucune raison tangible n’est évoquée pour expliquer ces résistances.
Agir Mag. : L’illettrisme peut-il mettre en danger la santé et la sécurité des salariés ?
K. H. : L’illettrisme peut en effet constituer un danger. Outre le fait qu’il rende difficile la compréhension des principes et consignes de bases en matière de prévention, dans certaines circonstances cela peut se révéler plus grave. L’illettrisme est un facteur qui rend difficile la transmission de l’information et détériore la traçabilité des activités du salarié. Ainsi, un risque constaté par ce dernier peut passer inaperçu par manque de communication et donc mettre en danger ces collègues… L’illettrisme ce n’est pas seulement ne pas pouvoir donner un sens aux mots. C’est aussi ne pas être en mesure d’exploiter correctement ses capacités cognitives pour assimiler à leur juste valeur des principes de prévention et agir en conséquence. Les répercussions peuvent donc être graves pour le salarié, son entourage professionnel et l’entreprise.
Agir Mag. : Quelles sont les actions spécifiques à ce niveau ?
K. H. : Nous avons mis au point le dispositif de formation « 1001 lettres » qui s’adresse justement aux salariés dans cette situation. Ce programme permet, dans un premier temps, de réassimiler l’usage des chiffres, la lecture et l’écriture des mots. Ensuite, pour assurer la sécurisation du parcours professionnel du salarié et lui permettre d’être davantage réceptif aux principes de prévention, le parcours « compétences professionnelles » lui permet de comprendre la vie de l’entreprise, d’accueillir et former un nouvel arrivant, assurer la traçabilité de ses actions et d’apprendre à décrire des évènements pour transmettre les informations. D’autres modules comme «échanger avec mon environnement », « rouler en sécurité », « préserver ma santé » ou « écrire un courrier » complètent cette remise à niveau.
Agir Mag. : Quel message souhaitez-vous faire passer aux chefs d’entreprises ?
K. H. : Il est important de rappeler que 8% des salariés français se trouvent dans une situation d’illettrisme. Ce problème est donc loin d’être minoritaire. Par ailleurs, un salarié qui rencontre des difficultés avec la langue a forcement une autonomie limitée face à son emploi, à l’organisation de son travail et par rapport à l’entreprise. Ne pas prendre en compte cette problématique peut à long terme être à l’origine de perte de performance et de productivité sans oublier la dégradation de la situation de travail. Ainsi, permettre à chaque individu de s’appuyer sur un socle de compétences est nécessaire pour garantir les conditions favorables à leur épanouissement personnel, à leur intégration sociale, culturelle et professionnelle. Agir en ce sens permet sans nul doute d’améliorer l’employabilité des salariés mais aussi d’augmenter leur potentiel de mobilité professionnelle et donc de s’ajuster aux besoins de l’entreprise.
Plus d’information sur « 1001 lettres » : www.opcalia.com
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