Dernière mise à jour le : 22/10/2024
Agir Mag. : Quelle est l’origine de la faute inexcusable ?
Philippe Langlois : À l'origine, la faute inexcusable était une faute d'une particulière gravité qui obligeait l'employeur à réparer intégralement le préjudice subi par le salarié. La législation sur les accidents du travail étant fondée sur une sorte de compromis : d'un côté tous les accidents sont réparés, que l'employeur soit ou non fautif, et en compensation, cette réparation est forfaitaire et partielle. En revanche, quand il s'agit d'une faute particulièrement grave, le caractère forfaitaire disparaît au profit de la réparation intégrale du préjudice.
Agir Mag. : Comment a-t-elle évolué ?
P.L : Une jurisprudence de la Cour de Cassation a mis en place le concept « d'obligation de sécurité de résultat ». L’arrêt récent du 12 juillet 2007 assure que le manquement à cette obligation de sécurité de résultat en matière a le caractère d'une faute inexcusable. Les juges ont mis à la charge de l'employeur cette obligation de résultat ; et dès lors qu’un accident du travail se produit, ceci signifie que l'obligation de sécurité de résultat n'est pas respectée et qu'il y a eu défaillance de la part de l'employeur. On ne va donc plus rechercher une faute d'une particulière gravité, mais se demander si l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat. La seule manière pour le chef d'entreprise de s'exonérer, c'est de démontrer que les circonstances de la cause étaient telles qu'il ne pouvait avoir conscience du danger. D'où la nécessité de mettre en place au préalable des moyens pour assurer la sécurité des salariés et de prendre le plus de précautions possibles.
Agir Mag. : Que recouvre le critère « avoir conscience du danger » ?
P.L : L'arrêt du 12 juillet 2007 est particulièrement significatif à cet égard. Dans une affaire un salarié a été victime d'un accident du travail en réparant une canalisation à proximité d'un transformateur EDF, son marteau-piqueur entrant en contact avec un câble électrique enfoui à faible profondeur. La véritable cause de ce dommage était, en réalité, le non-respect des normes d'enfouissement par EDF, puisque le câble aurait dû être enterré plus profondément. L'arrêt rendu en appel ne reconnaissait d'ailleurs pas la faute inexcusable en relevant que le salarié était convenablement protégé pour le type de travail qu'il devait réaliser. Mais cet arrêt en appel a été cassé, au motif que le chef d'entreprise qui accomplissait des travaux près d’un transformateur, aurait dû avoir conscience de la proximité d'une ligne électrique insuffisamment enterrée et qu'il aurait dû en conséquence prendre les mesures appropriées pour protéger le salarié. Ainsi, dans une situation de danger explicite ou implicite, l’employeur prendre toutes les dispositions pour garantir la sécurité du salarié. Et il ne faut pas se contenter du « minimum requis »…
Agir Mag. : Quelles sont les conséquences ?
P.L : Cette jurisprudence remet complètement en cause l’équilibre de législation sur les accidents de travail de 1998. Désormais que le salarié a droit à une réparation intégrale du préjudice subi, à moins de faire la preuve que l'employeur ne pouvait avoir aucune conscience du danger. Mais l'arrêt du 12 juillet 2007 démontre qu'il est très difficile de faire cette preuve. Pour reprendre l'exemple précédent, l'employeur doit imaginer qu’EDF n'a pas fait correctement son travail, qu'il en résulte un risque d’enfouissement insuffisant des câbles et qu'il faut protéger le salarié en conséquence !
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