Radiographie du bien-être au travail
N°77 - Juillet / Août 2018
L’épanouissement professionnel a longtemps été considéré comme une chance, plutôt aléatoire, et non comme une condition de travail à part entière. Une récente étude de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) dresse l’état des lieux des facteurs de bien-être au travail
L’étude, publiée en mars 2018, a été menée par Thomas Coutrot, économiste et statisticien à la DARES, directeur du département « conditions de travail et relations professionnelles ». Parmi les facteurs qui concourent au bien-être, trois sont liés à la perception du rôle que l’on joue dans son univers métier : l’autonomie, le soutien social et la reconnaissance. Le fait d’avoir la possibilité d’intervenir directement sur son travail, d’avoir le sentiment de faire partie d’une équipe, d’être reconnu par son supérieur et ses collègues et l’impression d’être utile aux autres est considéré comme un terreau indispensable à l’épanouissement professionnel.
Des risques identifiés
Mais l’épanouissement professionnel dépend aussi de l’exposition à certains risques, et aux mesures qui sont prises, ou non, pour aider le salarié à se sentir en harmonie avec son travail.
- La pénibilité liée au bruit, au port de charges lourdes, à l’exposition à des produits toxiques ou à des poussières ;
- Les risques liés à l’organisation: le travail de nuit, les astreintes les jours fériés, l’incertitude quant aux horaires du mois suivant, des horaires atypiques et inconciliables avec la vie sociale et familiale, des durées supérieures à 42 heures par semaine, la difficulté de pouvoir s’absenter ;
- Les rythmes de travail : les contraintes importantes, l’obligation d’agir en urgence ou sous pression, les injonctions contradictoires, le fait de penser à son travail même quand on n’y est pas ;
- L’inconfort éthique : réaliser des tâches que l’on n’approuve pas, ne pas avoir la possibilité de fournir un travail de qualité ou devoir le réaliser trop vite, ne pas avoir d’informations suffisantes pour mener à bien sa mission ;
- Les aspects émotionnels : être exposé à l’agressivité ou à la détresse du public accueilli, devoir faire mine d’être heureux, subir des émotions fortes et répétées ;
- L’insécurité : sur le maintien ou non de son emploi, sur des incertitudes par rapport à une mutation ou à des changements insuffisamment préparés, sur son intégrité physique ou celle de ses collègues dans l’exercice de son travail.
Des métiers à haut potentiel de bien-être
L’étude de la DARES montre que plus d’un tiers des actifs estiment que leur travail est bénéfique pour le développement de leurs compétences et de leur épanouissement. Il ressort de l’enquête que si ce sont surtout les personnels les plus qualifiés et les plus diplômés qui ressentent ce bien-être, certains métiers moins qualifiés y contribuent aussi, comme les assistantes maternelles, les employés de maison ou les coiffeurs. Les professions les plus reconnues sur le plan de l’épanouissement sont les cadres dans le domaine des transports et de la logistique, les secrétaires de direction, les ingénieurs informatiques, et les cadres de la bancassurance. Parmi les métiers à haut risque de mal-être, on compte les cuisiniers, les boulangers, les caissiers, les aides-soignants, les ouvriers mécaniques ou les conducteurs d’engins.
En analysant l’ensemble des catégories socio-professionnelles, ce sont les agriculteurs sur lesquels le travail a le plus gros impact psychologique négatif (50%) puis on trouve les ouvriers (40%) et les cadres (30%).
Des portraits-types professionnels
On peut aimer son métier mais ne pas rencontrer les conditions d’exercice suffisantes pour être heureux au travail, nous dévoile cette étude, qui établit au passage une typologie des individus en fonction de leur perception du bien-être :
- Les confortables (33%) : ceux qui sont épargnés par la plupart des risques professionnels. En général qualifiés, ils sont dirigeants, cadres, plutôt seniors, dans le spectacle, l’administration ou l’enseignement ;
- Les stressés et les empêchés (15%) : ils sont autonomes, soutenus et reconnus mais ils éprouvent des pressions liées à l’intensité de leur travail, ou connaissent des conflits d’ordre éthique. Sont concernés les jeunes qualifiés dans les professions de soins et de commerce, dans l’action sociale ou le domaine bancaire ;
- Les isolés (11%) : ils manquent de collectif ou souffrent d’un environnement dégradé, mais bénéficient en général d’autonomie et de moyens financiers. Il s’agit notamment des seniors, travailleurs non salariés dans de petites structures, mais aussi des agriculteurs et salariés du BTP ;
- Les précaires laborieux (15%) : ils sont victimes de nombreux changements ou contraintes, et on les retrouve chez les hommes, ou les femmes de ménage, en CDD ou en intérim, mais aussi chez les ouvriers qualifiés du BTP, de la maintenance, de la réparation mécanique et de la métallurgie ;
- Les passifs (11%) : leur autonomie et leur reconnaissance est faible, mais leurs responsabilités aussi. Ce sont des femmes, seniors, ouvrières, dans la maintenance ou la manutention ;
- Les accablés (14%) : le poids de la pénibilité psychosociale touche ceux qui travaillent dans de grands établissements, à des fonctions de soins, de secrétariat ou de commerce. Leur vie privée est également ressentie comme difficile.
Un actif sur 10 en situation de mal-être
Selon cette étude de la DARES, près d’un actif sur dix environ connaît des conditions de travail dangereuses pour son bien-être psychologique, à la fois sur le plan physique, organisationnel et psychosocial.
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