Au-delà des clichés…

Une vaste table orange illumine la salle où les salariés de Sabooj se retrouvent pour déjeuner ou discuter, sous la verrière de leurs locaux parisiens. « On s’est rendus compte que la communication était bien plus facile autour d’une table assez large pour que toutes les personnes assises autour puissent se voir », explique Marie-Hélène Delaux, créatrice et présidente de Sabooj.

Dans cette agence de communication créée en 2009 et reconnue entreprise adaptée en 2010, ce détail n'est pas anodin. Ici, dix salariés, sur un total de quatorze, sont en situation de handicap. La majorité d’entre eux sont sourds et communiquent en utilisant la langue des signes, ou en lisant sur les lèvres. Et ont donc besoin de « voir » pour échanger.

Des formations... en langue des signes !
Avant de créer Sabooj, Marie-Hélène Delaux travaillait dans une banque. En cherchant à collaborer avec des entreprises adaptées, elle se rend compte qu'aucune n'existe dans le secteur de la communication… Et décide donc de créer sa propre agence ! « J’avais l’idée, mais je ne savais pas du tout comment j’allais organiser mon activité et les conditions de travail. Tout cela s’est construit au fur et à mesure. »

Six ans plus tard, le fonctionnement de l’agence est rodé. Côté environnement de travail, Marie-Hélène a fourni à ces salariés sourds deux écrans. Le premier est dédié à la création, l’autre aux échanges par mail – moyen de communication privilégié, aussi bien en interne qu'avec les clients. Un interprète en langue des signes (LSF) est invité à participer aux réunions importantes.

Des formations de LSF sont proposées régulièrement aux salariés entendants… Enfin, Marie-Hélène n'hésite pas à mettre en place des aménagements d'horaires.

Ecoute et attention
La chef d'entreprise travaille aussi en lien étroit avec Cap Emploi. Elle sollicite l'organisme spécialisé dans l'accompagnement des personnes handicapées à la fois lorsqu'elle souhaite recruter, ou pour obtenir des conseils – comme à la suite de la première crise d'épilepsie d'un salarié, au bureau. « Mais sinon, nous travaillons comme n’importe quelle agence, avec les mêmes contraintes de délai, de qualité, de relations au client… »

Seule différence : ici, l'écoute et l'attention portée aux autres sont permanentes. « On est à égalité dans la communication. Je ne me sens pas en position d’infériorité », témoigne Margot Carrër, graphiste et salariée sourde. « Finalement, toute entreprise devrait suivre cette démarche. Mais certaines, parce qu'elles sont confrontées à moins de risques au niveau de la santé, ont tendance à l'oublier. »

Dans les mois à venir, Sabooj souhaiterait développer ses marchés, afin notamment d'étoffer ses équipes. Mais aussi relever un défi qu'il lui tient à cœur : faire en sorte que ses salariés trouvent, demain, un contrat ailleurs, hors du circuit des entreprises adaptées. Et puissent mettre leurs compétences au profit du plus grand nombre.