Le « Duo Day »
N°80 - Janvier / Février 2019
Une journée permettant à des salariés de partager le quotidien d’un travailleur en situation de handicap…
Reconnue d’utilité publique, la Fondation des Amis de l’Atelier accompagne plus de 2.800 personnes, adultes et enfants, en situation de handicap mental ou psychique. Elle gère 76 établissements en Ile-de-France et en Haute-Vienne. La Fondation a organisé le 18 octobre dernier le « Duo2 », une journée permettant à des salariés valides de partager le quotidien d’un travailleur en ESAT. Cet engagement s’inscrit dans l’initiative nationale « Duo Day » menée par le Secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées et qui a pour ambition de réunir un salarié volontaire et une personne en situation de handicap, une journée, pour une découverte de leurs univers mutuels. Une façon concrète de lutter contre les préjugés.
3 questions à :
Sabine Lucot
Chargée de projet en insertion professionnelle
Fondation des Amis de l’Atelier
« Une co-construction de l’insertion… »
Agir Mag : Vous êtes une Fondation active dans le travail protégé. Comment décryptez-vous ce projet de partage du quotidien ?
Sabine Lucot : Nous avons adhéré à cette initiative dès 2017, enthousiastes sur le principe. Nous gérons des établissements et des services d’aide par le travail (ESAT), qui ont pour objectif l’insertion sociale et professionnelle des personnes en situation de handicap. Tous ont des compétences avérées mais pas toujours visibles. Or, si nous voulons vraiment changer le regard de la société sur l’emploi, il est essentiel que ce type d’initiative se développe.
Tout le monde y gagne : les salariés en entreprise, qui découvrent des façons de travailler et de s’organiser différentes, et les travailleurs handicapés qui ont la fierté de partager leur savoir-faire avec l’extérieur et de faire valoir leurs qualités sociales. Ce sont d’ailleurs eux, les duos mixtes de la première édition, qui ont décidé de reconduire l’expérience en 2018, tant ils avaient eu du mal à se quitter…
Agir Mag : Comment se passe cette journée de découverte mutuelle ?
S.L : Le concept est simple : un salarié volontaire d’une entreprise ou d’une collectivité accueille, comme pour une journée de stage, une personne handicapée. Le duo s’attelle aux tâches habituelles, avec le souci de partager, d’expliquer et d’observer ce qui se fait. L’enjeu est vraiment la découverte mutuelle, pour favoriser des passerelles entre employeurs, entreprises et personnes handicapées, en s’ouvrant à la diversité. Dépasser les préjugés est aussi ce qui permettra de lever les freins pour l’emploi, et de mieux intégrer les projets personnalisés sur le plan des ressources humaines et de l’adaptation des postes de travail. La première édition se passait en entreprise : ce sont nos travailleurs qui se sont rendus en entreprise, pour découvrir un univers nouveau.
L’année suivante, nous avons voulu inverser le processus en créant les Duo2 : les salariés ont été à leur tour accueillis dans nos établissements, sous forme de cinquante duos en tout. Nous gérons huit ESAT, dont sept en région parisienne. Chacun a une activité assez spécifique, qui va du conditionnement à la restauration ou à l’entretien des espaces verts. Nous fonctionnons avec la volonté de valoriser les compétences autres que manuelles, en favorisant le contact des personnes handicapées avec le grand public. Ces compétences relationnelles sont réelles, et elles ont fait la différence dans l’organisation du Duo2 : nos travailleurs sont devenus ceux qui apprenaient aux autres, l’espace d’une journée, et ils ont prouvé leur aptitude à transmettre leur savoir.
Agir Mag : Qu’avez-vous appris de ces « Duo Day » ?
S.L : Beaucoup de nos travailleurs en situation de handicap mental ou psychique peuvent éprouver certaines difficultés de concentration. Nous adaptons d’ailleurs le rythme de nos activités au leur, parce que la difficulté n’est pas synonyme d’échec si on la gère intelligemment. Les salariés visiteurs ont été impressionnés par la capacité de rigueur et de précision de leur duo, sur des missions aussi précises que le travail de couture à la machine. Ils ont aussi savouré la bienveillance et l’esprit d’entraide qui règne dans les établissements avec, pour certains, une pointe de jalousie avouée ! Nous avons nous-mêmes été impressionnés par la réelle flexibilité dont nos travailleurs ont fait preuve, en cassant leur routine pour accueillir leur duo.
Côté salariés, certains ont même eu des idées de changement organisationnel de leur propre schéma, en constatant qu’un découpage des tâches comme le nôtre, basé sur la simplification des gestes et l’élimination des tâches superflues, était très efficace. Enfin, sur un plan plus sociétal, cette démarche de co-construction de l’insertion est prometteuse : elle incarne le fait que la personne en situation de handicap va chercher des ressources en elle que le salarié valide n’ira pas forcément explorer, habitué à un quotidien plus normatif.
Pour 2019, nous avons déjà imaginé d’intensifier nos efforts en créant une plateforme dédiée à l’insertion en milieu ordinaire, avec l’organisation d’événements pour favoriser les rencontres de proximité. Un club « Handployeur » permettra, sur le terrain, de mieux identifier les besoins d’emploi et de faciliter les échanges. Parce que tout passe finalement par le dialogue et la vraie rencontre.
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